Les activités industrielles n'ont jamais connu un grand développement dans nos communes de montagne. Pour la plupart, ces entreprises avaient une clientèle purement locale. Un acte daté de 1561 mentionne un "moulin vieux" à St Julien. Plusieurs moulins, surtout hydrauliques, ont existé sur nos deux communes. Le dernier n'a cessé de fonctionner, à Tourtres, que dans les années70 (en 1976). Le canal qui amenait l'eau de l'Adoin existe encore, ainsi que la roue à aubes qui en était la force motrice, unique au début, relayée à une époque récente par un moteur électrique de secours, utilisé seulement en période de basses eaux. Ce moulin traitait des blés tendres pour la farine panifiable qui était revendue aux boulangers, et des blés durs. Comme ses congénères, au fil des siècles, ce moulin était à l'usage des habitants qui y portaient le grain qu'ils avaient récolté. Depuis que les cultures de céréales ont déserté le Vercors, le dernier meunier achetait son blé à Chabeuil et fournissait principalement en farine les boulangers du plateau.
Le moulin de St Martin, sur le Buech, n'existe plus que comme nom de lieu. Quant à Moulin-Marquis, à St Julien, ce lieu a bien désigné un moulin, dont on voit encore les ruines, mais le "marquis" était en fait un marécage ou un terrain bourbeux. Une tradition orale fait état de plusieurs moulins et d'une scie hydraulique qui auraient existé sur l'Adoin à une époque ancienne, sans doute le début du 19e et avant. Les scies hydrauliques étaient également un élément important de l'économie montagnarde. Sous l'ancien Régime, elles appartenaient généralement à des nobles seuls assez fortunés pour réaliser cet investissement coûteux dont ils tiraient un grand profit.
Au 18e siècle, on réduisit fortement leur nombre afin de ne pas encourager les délits forestiers... En 1880 il n'en restait que deux à St Martin. Elles fonctionnaient surtout en période de crue, au printemps et à l'automne. Le lieu-dit "Les Scies", petit massif de collines sableuses situé entre St Martin et La Chapelle, n'a aucun rapport avec l'industrie du bois. Il s'écrivait "les Seyes" au 18e siècle et on peut le rapprocher de l'espagnol "Sierra" qui désigne une crête allongée, comme le mot "serre" si répandu dans les noms de lieux.
Plus populaire et familiale, l'industrie du cardage et du tissage de la laine et du chanvre se pratiquait dans chaque maison pour employer utilement les soirées de l'hiver. Les tissus de laine étaient vendus à des particuliers ou à des manufacturiers.Elle disparut progressivement au cours du 19e siècle. Toutefois, à la fin de ce dernier siècle, il existait encore à Tourtres un tisserand auquel les femmes portaient les pelotes de chanvre qu'elles avaient filées et qui servaient à faire d'inusables chemises de grosse toile raide d'un contact peu agréable. Le chanvre était encore cultivé en 1944, et certains habitants ont utilisé ces hautes herbes pour dissimuler des biens qu'ils tentaient de soustraire aux pillages de l'occupant. Mais il ne servait plus qu'à fabriquer des cordes.
Plus étonnante est l'histoire de l'usine métallurgique de Tourtres. Une industrie lourde dans nos montagnes cela paraît un peu farfelu ! Pourtant cette activité s'inscrit dans une longue tradition. Déjà, vers 1480, on avait fabriqué du fer dans le canton. Dans le Royans, à Bouvante, les moines Chartreux du Val Ste Marie fabriquaient chaque année 175 tonnes de fonte. A St Michel des Portes, au pied du Mont Aiguille, existait une industrie florissante dont les hauts revenus donnèrent des idées à Monseigneur Gabriel de Cosnac, évêque de Die. Il s'entendit , en 1734, avec trois nobles locaux, messieurs de la Tour, de Lamorte et Malsang, et les communes de St Agnan, La Chapelle et St Martin, qui espéraient ainsi se libérer de leurs dettes tout en tirant parti de leurs forêts dont le bois était difficilement transportable.
A cette époque, les hauts-fourneaux, récemment inventés, fonctionnaient au charbon de bois. En août 1736, l'évêque et les trois seigneurs formèrent une société pour la construction d'une usine à fer, à Tourtres, au-dessous de la source de l'Adoin. Un canal dont on voit encore les vestiges amenait l'eau nécessaire pour actionner une roue à aube. Cette roue hydraulique, au moyen d'un système de cames, actionnait un martinet, colossal marteau de fonte de 100 kg emmanché sur une poutre horizontale, qui martelait les lingots sorti du fourneau afin de les affiner. Bâtiments et appareillages coûtèrent fort cher. La main d'oeuvre par contre était bon marché puisqu'on employait pour les gros travaux de manutention les paysans du coin et leurs animaux de trait en vertu du droit de corvée ! Pour toute gratification ils recevaient un coup à boire : c'est ainsi que le chef de chantier avait payé un jour de juin "dix sols à la Jeanneton" pour qu'elle porte deux pots de vin à ceux qui avaient traîné avec leurs boeufs les bois du chantier.
Le minerai provenait de Darbounouse, du Briac et de Canard. Ces filons toutefois n'étaient pas très riches et furent vite épuisés. Un fourneau était en projet mais il ne fut jamais construit. Il fallait faire venir de loin le minerai, le fondre à St Laurent en Royans et remonter la fonte à Tourtres pour la travailler au martinet! Tout cela était peu rentable. Aussi l'usine qui avait commencé à fonctionner en 1739 cessait déjà son activité en 1750. Il n'en subsiste aucun vestige.
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textes et illustrations fournis par :
Groupe Patrimoine du Vercors
place du tilleul
26420 St Martin en Vercors