Les premiers éléments concernant la vie scolaire remontent à 1644. Au cours d'une visite pastorale, l'évêque recommande au curé de Saint Martin d'enseigner les enfants qui lui seront envoyés. Cette instruction n'avait aucun caractère obligatoire. Plus tard, en 1681 à Saint Martin et 1705 à Saint Julien apparaissent des maîtres d'école professionnels, appelés " précepteurs de la jeunesse ". Ils venaient généralement du Briançonnais où ils retournaient l'été participer aux travaux agricoles, passant le reste de l'année à gagner leur vie loin de chez eux, comme d'autres étaient colporteurs ou ramoneurs. L'école était payante, mais les communes fournissaient au moins les locaux et une partie du salaire. Cette école n'était pas tenue de façon régulière. Certaines années, il n'y avait pas de maître. On s'en passait… Ce n'est que vers 1748 qu'on commence à se préoccuper des filles, dont l'instruction jusqu'alors avait été totalement négligée. Un religieux avait fait don à la commune de Saint Martin d'une propriété comportant terres et bâtiment à condition que les revenus de l'exploitation soient consacrés à l'éducation des fillettes de la paroisse. Quatre religieuses devaient les enseigner. Là aussi, ce fut très épisodique ! Au cours du 19e siècle, l'affaire devient plus sérieuse car les pouvoirs publics de plus en plus, essaient de répandre partout l'instruction. Une institutrice laïque exerce déjà à Saint Martin en 1825, où une autre école est tenue par des religieuses.
Ce n'est qu'en 1881-82 que Jules FERRY envoie dans toutes les communes de France l'armée silencieuse des " hussards noirs de la République " partis combattre l'ignorance au nom de l'école gratuite, laïque et obligatoire. Ces maîtres et maîtresses de la première génération accomplirent une tâche immense d'alphabétisation et d'unification de la langue.
Retraçons ici la carrière exemplaire, mais pas unique, d'une enfant du pays, placée à la charnière entre deux époques. Elle est née à Saint Julien en 1843, l'année où débutèrent les travaux du percement des Goulets. Elle emprunta sans doute la route toute neuve pour aller étudier à Valence où elle entra à 17 ans à l'école normale d'institutrices. A 19 ans, elle enseigna dans divers postes avant d'être nommée, à 24 ans, d'abord à Saint Julien, ensuite à Tourtres.
Les lois de Jules FERRY ne changèrent sans doute pas grand chose pour elle : à 39 ans, elles possédait une solide expérience. Elle prit sa retraite en 1910, à 67 ans, mais ne quitta jamais tout à fait l'enseignement. Octogénaire, elle réunissait le soir chez elle les enfants de l'école de Tourtres pour les aider à faire leurs devoirs, étude précédée et suivie d'une prière. On l'appelait la " Dame ", avec respect. C'est que la tâche était lourde ! Il n'était pas rare qu'il y eût 40 élèves par classe ! Pendant quelques années, l'école de Tourtres fonctionna même à mi-temps : les garçons le matin, les filles l'après-midi. Des élèves étaient envoyés à Saint Martin où il y avait plusieurs classes.
On parla un moment d'ouvrir une école au Briac tant les enfants y étaient nombreux. Tous les matins, une trentaine d'enfants en descendaient par les chemins pour aller s'entasser à Saint Martin dans des classes où ils étaient parfois plus de cinquante ! La classe finie vers 16h, les batailles de boules de neiges entre " quartiers " duraient jusqu'à la nuit, tout au long de la montée. Certains arrivaient à 19h chez eux. Les devoirs, on les faisait si on pouvait. D'autres tâches pressaient davantage. Les parents étaient peu disposés à aider : ils ne savaient parfois ni lire ni écrire, ou déchiffraient péniblement.
Beaucoup d'enfants manquaient à l'automne et au printemps, requis par les travaux agricoles. Certains, les filles surtout, étaient retirés de l'école bien avant la fin de leur scolarité obligatoire " pour aider leur mère aux soins du ménage ". On ne parlait que le patois dans les familles. " Parlez français à vos enfants ! " suppliaient les instituteurs. Ils ont par trop bien réussi : le patois à presque disparu et avec lui toute une culture rurale. A 12 ou 14 ans on quittait définitivement l'école, avec ou sans le certificat, et on était placé, parfois à des kilomètres, pour garder les vaches.
A présent, le regroupement pédagogique de Saint Martin et Saint Julien totalise trois classes et une soixantaine d'enfants: les effectifs ont doublé en une quinzaine d'années, traduisant l'augmentation de la population dans deux villages où il fait bon vivre!
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textes et illustrations fournis par :
Groupe Patrimoine du Vercors
place du tilleul
26420 St Martin en Vercors